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Qu'est-ce que la Juridiction Unifiée des Brevets ?

La Juridiction unifiée des brevets ou JUB est une cour de justice européenne spécialisée dans les litiges relatifs à l'attribution des brevets d'invention européens ou dits aussi "unitaires".

Chaque État dispose de son propre système de brevets. Un inventeur peut déposer une demande de brevet national auprès de l'Office national des brevets de chaque État où il souhaite obtenir une protection. Pour les brevets européens, ils sont gérés par l'Office européen des brevets. Désormais, une seule demande de brevet européen peut couvrir tous les États adhérents à la JUB, simplifiant ainsi le processus de protection, et évitant les demandes nationales multiples.

Les détenteurs des brevets devaient auparavant saisir la juridiction de chaque État pour faire valoir leurs droits dans chacun d'eux. Chaque État adoptait un droit différent de son voisin, ce qui impliquait des niveaux différents de protection d'un brevet dans l'espace européen. Avec la création récente de la juridiction unifiée, une seule saisine suffit pour que le droit s'applique uniformément pour tous les États qui ont ratifiés l'Accord instituant la JUB (le 19 février 2013).


xQuelle est la compétence territoriale de la JUB ?


C'est une juridiction supranationale. C'est-à-dire que ses décisions s'imposent à l'État duquel ressortent les parties au litige. Les États concernés ont délégué leurs pouvoir de juger des brevets. Cette juridiction européenne peut donc être directement saisie sans en passer par un juge national au préalable.

25 États européens, dont la France et l'Italie, ont ratifiés le traité de Bruxelles constituant la JUB. Sa compétence s'étend donc à tous les États ratificateurs dont la Belgique. La JUB se prononce sur les affaires qui opposent des parties privées (entreprises ou/et personnes physiques). Bien que tous les États de l'Union européenne n'aient pas ratifié l'accord créant la JUB, et que des États tiers l'aient signé, les juges qui la composent doivent respecter le droit de l'Union.

Telle qu'une juridiction d'un État dans l'UE (ex : France), en cas de doute sur l'interprétation du droit de l'Union, la JUB peut aussi faire une question préjudicielle auprès de la Cour de justice de l'Union européenne pour obtenir plus de précisions dans sa décision finale. À noter que la saisine de la CJUE n'est pas considéré comme un ultime recours après décision de la JUB. Même si la Cour de justice de l'Union européenne peut être saisi avant la prise de décision de JUB par celle-ci, elle ne constitue un degré de juridiction suprême des brevets. C'est bien la JUB qui possède la compétence exclusive de statuer sur la validité des brevets.

Le respect du droit de l'Union européenne par la JUB n'en fait pas pour autant une juridiction de l'Union. Elle n'est pas un tribunal rattaché à la Cour de justice de l'Union européenne malgré son siège situé aussi à Luxembourg.

Elle comporte deux degrés. En premier ressort, le contentieux est tranché par une division centrale (ex : Paris) ou une division locale (ex : Bruxelles, Milan) composées de 3 juges de différentes nationalités (2 qualifiés en droit et 1 qualifié en technique des brevets). Si le litige implique la France, la division de Paris peut alors être saisie. Si une première décision est contestée, la cour d'appel de la JUB est alors compétente. Cette dernière se situe à Bruxelles et se compose de 5 juges de différentes nationalités (3 qualifiés en droit et 2 qualifiés en brevet).


Quelle est la compétence matérielle de la JUB ?


L'accord sur la Juridiction unifiée des brevets ne porte pas sur la protection en elle-même du droit des brevets mais sur la procédure de saisine de la JUB et de sanction. Comme expliqué, le droit de l'Union européenne doit être respecté, mais en l'absence de texte de l'Union, quel droit s'applique pour protéger factuellement les brevets ? La loi française ? En apparence, c'est le droit national de la personne qui dépose le brevet qui est applicable par la JUB.

Comme expliqué plus haut, en première instance, il existe deux la division centrale et la division locale. La première répond aux demandes concernant les actions en nullité des brevets tandis que la seconde statue sur les contrefaçons, ou adopte des mesures conservatoires (pour protéger la preuve notamment).


300 affaires en cours de jugement


Selon le Professeur Eskil Waage au cours d'un colloque organisé par l'Université Lyon 3 le 16 avril dernier, 300 contentieux seraient en passe de jugement devant la Juridiction unifiée des brevets ces 10 derniers mois. Avec l'élargissement progressif de la juridiction à d'autres États, certains juristes craignent une surcharge de la JUB.

Le 9 Juin prochain, les irlandais vont voter par référendum l'adoption ou le refus d'intégrer la JUB.

Cyril Nourissat, Professeur de droit des affaires, expliquait au cours du même colloque qu'une période transitoire de 7 ans (utilisant la clause d'opt out) était instaurée pour l'État après qu'il ait signé l'accord sur la JUB. Durant cette période, les ressortissants de l'État peuvent encore saisir les tribunaux de leurs pays plutôt qu'obligatoirement la JUB. Si l'accord est ratifié par le peuple du trèfle, les irlandais pourront donc continuer à saisir leurs tribunaux. À l'heure actuelle "on peut imaginer assigner une société irlandaise devant le juge irlandais pour une action en contrefaçon commise en Irlande" même si cela concerne un brevet non uniquement irlandais mais européen expliquait Nicolas Bouche, professeur à l'Université Lyon 3.

Vers un droit exclusivement européen des brevets ?


Tous les États européens n'ont pas signé l'accord sur la JUB, seuls certains États-membres de l'Union européenne l'ont ratifié. Il est encore trop tôt pour prévoir un droit unifié des brevets en Europe. La JUB aura un travail important à faire pour uniformiser ces décisions afin que les différents titulaires des brevets européens bénéficient de la même protection dans tous les États-parties à l'accord.

Cette harmonisation du droit européen des brevets en passe par l'utilisation d'une langue commune par les juges. Il n'y a pas de langue commune entre les États signataires de l'accord. Ce problème n'est pas minime pour adhérer à la JUB. L'Espagne se refuse à adhérer à l'accord, considérant inacceptable l'exclusion de l'espagnol comme langue officielle de la juridiction. Néanmoins, chaque division locale utilise sa propre langue nationale (cas de Paris même si l'anglais est aussi accepté). La pratique de l'Espagnol pourrait ainsi devenir une langue officielle après la création d'une division locale en Espagne, ce qui permettrait aux entreprises de la péninsule de commercialiser leurs inventions plus facilement à travers une large partie du continent.

Encore complexe à assimiler dans son fonctionnement, il est fort à parier que la JUB ou un système équivalent s'imposera à long terme à l'échelon européen, aussi eu égard à la préexistence d'un brevet européen.

Procédure de dépôt du brevet européen


La demande de brevet européen peut être déposée directement auprès de l’Office européen des brevets ou via l’Office national des brevets. La demande doit inclure une description détaillée de l'invention, des revendications précises, des dessins explicatifs (le cas échéant) et un abrégé. La demande est publiée 18 mois après la date de dépôt initiale.
Après publication, l'OEB effectue un examen approfondi pour vérifier si l'invention remplit les critères de brevetabilité. Si l’OEB considère que les critères de brevetabilité sont remplis, il délivre le brevet européen. Ce brevet n'est valable que dans les États membres désignés et doit être validé dans chaque pays. La validation peut nécessiter des traductions. Une fois validé, le brevet est traité comme un brevet national dans chaque pays concerné, avec des droits et des obligations similaires.

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Publié le 20 Mai 2024


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